Bruno Belthoise / écrits

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siteur organiste retient particulièrement notre attention ; il s'agit de Manuel Rodrigues Coelho (c1555-c1635) : formé à la cathédrale d'Elvas, organiste à Badajoz puis à la cathédrale de Lisbonne, il est nommé à la Chapelle Royale jusqu'en 1633, peu avant sa mort. Traversant la situation politique difficile qui suit la gloire des grandes découvertes et le désastre militaire d'Alcácer-Quibir, M. R. Coelho témoigne à travers son œuvre de ses hautes qualités artistiques. Il donne à l'écriture pour clavier portugaise l'exemple de sa maîtrise du "Tento", cet "essai" d'écriture polyphonique synonyme de "ricercare", en incorporant dans une magnifique variété des éléments techniques du nord de l'Europe et de l'Italie. Il est remarquable de savoir également que l'œuvre complète de M. R. Coelho Flores de Música para instrumento de Tecla e harpa a été publiée en 1620 dans un climat oppressant et étroitement surveillé par le Saint Office et qu'il s'agit sans doute du plus ancien livre de musique imprimé au Portugal et de l'une des plus belles collections de musique sacrée et profane pour instrument à clavier et harpe. Bien entendu, de nombreux autres compositeurs, organistes ou clavecinistes, attestèrent pendant le XVIIe siècle de la vitalité de l'école portugaise, fidèle à l'écriture polyphonique, alors à son sommet. Cette période florissante bénéficiait de la protection de Don Théodosio, duc de Bragance et de João IV (1640-1654), souverain compositeur et grand protecteur de cette musique.
Sous le règne du roi João V, une personnalité marquante et représentative de la mode italianisante désormais de mise fut appelée à la cour. Il s'agit du napolitain Domenico Scarlatti (1685-1757). Ce compositeur célèbre dans l'histoire de la musique pour avoir composé 555 brillantes sonates pour le clavecin devait "rigoureusement procurer à sa royale élève - l'infante Maria-Barbara - des sonates susceptibles de développer sa technique et de récréer son esprit.", ce qu'il fit durant 8 années de 1719 à 1727. Sa présence marqua d'une façon déterminante l'école portugaise de clavier. Cette influence se fit principalement ressentir dans l'œuvre très abondante de
José António Carlos de Seixas (1704 - 1742). La rencontre de l'italien et de celui qui deviendra le plus fameux compositeur portugais de la première moitié du XVIIIe siècle mérite d'être retracée : si l'on en croit l'anecdote, à peine le jeune portugais avait-il mis les doigts sur le clavier que Domenico Scarlatti reconnut en lui un géant : "C'est vous qui devriez me donner des leçons" aurait-il avoué. Le grand musicien napolitain dit alors à Don António, frère cadet du roi : "Votre Hauteur m'a demandé de l'examiner, mais je dois considérer que c'est l'un des meilleurs musiciens que j'aie jamais entendu". Musicien précoce, Carlos Seixas fut admis comme organiste dès 1720 à la Cathédrale Patriarcale de Lisbonne. Il composa durant sa vie près de 700 sonates pour le clavecin dont une centaine seulement nous est parvenu sous forme de copies, tous les manuscrits originaux ayant été engloutis lors du tremblement de terre de 1755, détruisant alors l'une des plus belles bibliothèques musicales du monde : celle de João V. Ces pièces sont très travaillées dans le détail de la forme, de l'harmonie et de la technique de clavier. Au-delà des influences non seulement italiennes mais aussi françaises et allemandes sur le style de la composition et sur l'esthétique musicale, son enracinement est authentiquement lusitanien "avec tout ce que cela possède d'avantages et de défauts". Descendant d'un peuple atlantique prédisposé à l'introversion et à la mélancolie "il ne partagera jamais les exubérances du tempérament aussi joyeux qu'insouciant des hommes nés sur les bords de la Méditerranée". Au contraire de Scarlatti, Carlos Seixas montre une forte propension à construire des sonates formées de plusieurs mouvements. Son goût pour les formes amples, remplies de motifs sinueux à la manière des séquences baroques, dans une forêt de modulations, provient du fait qu'il tenait son éducation musicale de l'étude des "Tentos" de Manuel Rodrigues Coelho et d'autres maîtres du XVIe siècle. Au-dessus de tout commentaire s'élève la musique de Seixas "à l'allure incomparable, vivante et énergique, douce et rêveuse".
Dans ce XVIIIe siècle florissant où le commerce avec les Indes et surtout le Brésil apportait au Portugal une situation économique avantageuse, les Arts

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